Vendre son spectacle, faire un budget, trouver des bureaux… autant de tâches qui font partie du quotidien des artistes, tout autant que la création. Ces dernières années de multiples structures ont émergé pour accompagner les artistes en voie de professionnalisation. Décryptage.
De plus en plus de structures… qui aident de plus en plus d’artistes
Alors que l’industrie du spectacle vivant représente 8 milliards d’euros(*), et que des milliers de spectacles sont produits chaque année, nombreux sont les artistes qui rencontrent des difficultés croissantes dans les phases de production d’un événement et de gestion d’une compagnie. Souvent, le manque de moyens financiers ne leur permet pas de recruter des administrateurs qualifiés pour leur compagnie. C’est ainsi que les artistes émergents se trouvent forcés d’assurer eux-mêmes un grand nombre de tâches (production, recherche de financements, comptabilité de la compagnie), et de consacrer une partie importante de leur temps à du travail administratif, au détriment de la création. Pourtant, les artistes n’ont souvent pas les compétences nécessaires pour effectuer ces tâches pour lesquelles ils n’ont pas été formés.
Pour répondre à ce besoin, différentes structures ont émergé et proposent des solutions pour produire à moindre coûts, grâce à une aide en externe : sites de recrutement de bénévoles (le nombre de bénévoles a augmenté de 14% ces trois dernières années en France), réseaux d’économie circulaire qui encouragent le recyclage de matériel, plateformes de mécénat qui fournissent des financements, structures privées ou publiques accueillant de jeunes artistes en résidence… Cependant, ces aides d’appoint ne suffisent pas pour permettre à tous de vivre de leur art.
L’artiste doit donc parfois endosser une posture d’entrepreneur – même si nous pouvons questionner cette évolution. Formation, bureau d’accompagnement, coopérative, accompagnement spécifique, mutualisation, … mais qui sont ces structures qui travaillent à apporter des solutions pérennes à la mutation du secteur culturel ?
(*) Etude EY 2015 “Panorama de l’économie de la culture et de la création en France”
Les pépinières et incubateurs, en route vers l’autonomie
Dans la lignée des structures d’accompagnements dédiées aux startups, le milieu culturel a su s’emparer du fonctionnement et des outils des incubateurs. La notion d’incubateur ou de pépinière fait ici référence à une structure qui accompagne un projet en apportant un appui en matière d’hébergement, de conseil, et de financement. La plupart du temps, cela prend, la forme d’une mise à disposition d’un bureau avec accès à des ressources (accès internet, téléphonie, reprographie…), des formations, un accompagnement individualisé, et une mise en réseau avec les acteurs privés ou publics du financement d’entreprise ou avec des entrepreneurs expérimentés. Ces accompagnements permettent aux porteurs de projets de passer d’une idée à la réalisation concrète et à la consolidation en un projet structuré.
Les incubateurs et pépinières d’artistes répondant à ce même schéma de fonctionnement ont donc pour objectif d’accompagner les artistes et leur structure afin de les emmener plus rapidement à une autonomie. La vision de l’artiste est clairement celle de l’entrepreneur culturel qui vient notamment développer de nouvelles compétences à travers les formations et l’accompagnement individuel. Différents incubateurs ont émergé ces dernières années, de la Rookerie pour le théâtre au programme eeemerging de l’Abbaye d’Ambronay pour les musiciens classiques ou encore La Fabrique de la Danse, qui finalise actuellement la sélection de sa 4ème promotion de chorégraphes. D’autres structures accompagnent des artistes de toutes disciplines, comme l’illustre La Condamine, mais axent leur spécificité sur l’étape d’avancement dans lequel se trouve le porteur de projet.
Les bureaux de production : déléguer et accéder à un réseau
Un bureau de production peut intervenir à différents niveaux d’accompagnement dans la vie de l’artiste et de son projet de compagnie ou de création. Également appelé agence de production, maison de production, ou encore maison d’artistes, bureau d’accompagnement culture, ou accompagnement de projets artistiques, le bureau de production ne doit pas être confondu avec les “boîtes de production” (dans le cinéma) ou avec un agent d’artiste.
Ces structures, organisées en associations, en SARL ou en coopératives, ont pour missions principales d’accompagner l’artiste sur des tâches liées à la production d’un spectacle, mais proposent bien souvent également des prestations d’administration et de diffusion pour le compte d’artistes et / ou de leur compagnie. Derrière le mot “production” se cache également la notion d’accompagnement au financement du projet artistique.
“Notre ambition est de contribuer aux projets professionnels d’artistes et de compagnies en les accompagnant à chaque étape” Alice Caze, fondatrice d’AIM Prod.
En dehors du fait de pouvoir déléguer les tâches administratives et d’organisation qui sont souvent chronophages, un artiste va chercher à se faire représenter par un bureau de production pour le volet diffusion. C’est l’opportunité pour l’artiste ou la compagnie d’accéder à un réseau de programmateurs et de lieux de diffusion bien plus rapidement qu’en ayant fait ce travail seul. En effet, chaque bureau de production, détient un contact privilégié avec les professionnels qui entrent dans son champ d’expertise artistique. C’est pourquoi, dans ce cas-là, le bureau de production va choisir de travailler avec des artistes et des compagnies répondant à une qualité et une ligne artistique bien précise, comme l’illustrent les artistes de Garde Robe, un bureau dédié “à la nouvelle scène chorégraphique en danse hip hop”. Un bureau joue en effet la reconnaissance de son portefeuille d’artiste à chaque présentation des artistes qu’il accompagne.
Les coopératives d’activités et d’emploi : sécuriser son emploi
Coopératives d’activités et d’emploi, coopératives d’activités, coopératives d’entrepreneurs,… plusieurs termes qui désignent ces structures qui permettent à des porteurs de projets de créer leur activité dans un cadre d’emploi salarié. Le principe est simple : une coopérative qui permet d’accueillir juridiquement des porteurs de projets indépendants, de les accompagner dans la mise en œuvre d’une stratégie de développement pérenne dans un marché spécifique, et de leur offrir un accès à un ensemble d’outils et de moyens partagés. Les entrepreneurs peuvent ainsi développer leur projet en bénéficiant des opportunités de l’aventure coopérative : sécurité de ses revenus, mutualisation des outils de gestion, partage de ressources et de moyens.
La coopérative SMart propose notamment de payer ses membres 7 jours après la réalisation de leur prestation quel que soit le délai de paiement du client, et “s’il tarde dans son paiement, c’est SMart qui s’occupe des relances !” nous explique Emily Lecourtois, responsable du développement de SMartFr.
Le modèle des coopératives représentent une réponse innovante pour le secteur culturel, offrant aux artistes une réponse à la précarisation de l’emploi et à la difficulté d’assurer des activités de gestion et de structuration de leur activité créative. Parmi les coopératives d’activités et d’emploi, nous en citons deux qui ont fait le choix de s’adresser spécifiquement aux artistes : Artenréel et CLARA.
Le soutien par les lieux de diffusion : l’espace ET l’accompagnement
Les lieux de diffusion prennent également la mesure du manque de structuration et de moyens financiers des compagnies. En plus d’un accueil en résidence, certains lieux proposent aux artistes un accès à des conseils individualisés par les équipes du lieu, des mises en réseaux, ou encore des formations.
« Nous choisissons aujourd’hui d’accompagner des équipes chorégraphiques en résidence et en structuration sur un temps plus long, la finalité étant de pouvoir les diffuser dans nos festivals »
Léa Poiré, Chargée de la programmation et de la production du Regard du Cygne.
Nous pouvons notamment citer les actions de Paris Réseau Danse dans le secteur chorégraphique ou encore le Centre FGO Barbara à Paris et Trempolino à Nantes dans le secteur musical. Certains de ces lieux proposent des niveaux d’accompagnement proches des incubateurs cités ci-dessus, à travers des programmes longs accessibles sur sélection.
Des solutions qui se révèlent être très complémentaires
Les accompagnements cités axent leur différenciation sur deux critères principaux : la discipline artistique concernée et le stade de développement du projet. Que ce soit en phase d’amorçage, d’accélération ou lors de la pérennisation, chaque artiste peut trouver la structure d’accompagnement qui lui correspond le mieux. Il n’est donc pas étrange de trouver des artistes qui sont accompagnés dans le cadre de plusieurs dispositifs parmi ceux cités ci-dessus ; voire il est tout à fait sain que ces initiatives se côtoient et se répondent.
Aujourd’hui l’écosystème se structure même pour créer ces liens de collaborativité et de mise en réseaux des artistes entrepreneurs. Cela passe notamment par des événements comme le Forum Entreprendre dans la Culture porté par le ministère de la Culture ou encore des initiatives comme le Collectif MERCI, regroupant les structures d’accompagnement à l’entrepreneuriat culturel. Le collectif souhaite ainsi développer des actions partenariales entre ses membres afin de mieux répondre aux besoins d’information des entrepreneurs culturels en France.
Ce panorama n’est pas exhaustif mais souhaitait poser un premier regard sur le paysage de l’accompagnement des artistes. L’écosystème se structure et va continuer d’évoluer avec notamment l’apparition de nouveaux lieux, la diminution des aides publiques, et la généralisation des financements privés. Si vous souhaitez apporter un commentaire, un ajout, un rectificatif à cet article nous serons ravis de vous lire.
NDLR : Avec cet article écrit par Lucie Mariotto, co-fondatrice de La Fabrique de la Danse, nous inaugurons la pratique du guest-blogging au sein des colonnes de Coulisses, le blog d’Orfeo, visité chaque mois par près de 15.000 professionnels du spectacle vivant. Si vous aussi, vous souhaitez nous proposer des sujets en lien avec notre ligne éditoriale, n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse : coulisses@orfeo.pro