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La médiation au cœur de l’activité des ensembles de la FEVIS

La Fédération des Ensembles Vocaux et Instrumentaux Spécialisés, qui regroupe plus de 140 ensembles de musique classique, réalise tous les 2 ans une enquête nationale sur l’activité de ses adhérents. A l’occasion de sa restitution, le 27 novembre 2017, une table-ronde a été consacrée à la médiation et aux activités pédagogiques. En effet, plus de 88% des ensembles interrogés sont concernés par le sujet. Quels sont les enjeux et les objectifs de la médiation, et quels sont les moyens dont disposent les ensembles sur ce type d’action ?

Toucher un autre public, autrement

Si les ensembles consacrent une part importante de leur activité à la médiation, ce n’est pas uniquement parce que le ministère de la Culture place l’éducation artistique comme un élément prioritaire de la politique culturelle, mais aussi parce que c’est un engagement porteur d’un sens fort pour les équipes artistiques. Pour Hélène Clerc-Murgier, co-directrice artistique de l’ensemble Les Monts du Reuil, il est très gratifiant de « faire connaître et faire aimer une musique qu’on aime ». Proposer à des élèves un travail autour de la musique baroque, c’est « leur donner la possibilité de découvrir une musique et de s’en faire une opinion ». C’est aussi un moyen de créer de la cohésion au sein d’une classe, de permettre à des enfants de se révéler.

L’ensemble Contraste conduit tout au long de l’année un projet auprès d’élèves du Pas de Calais. L’objectif final : se produire sur scène, le résultat mêlant musique, danse, expression corporelle, et chant. Pour son directeur artistique Arnaud Thorette, même si la représentation finale constitue le ressort dramatique, « le chemin est plus important que le résultat ». Au-delà de la sensibilisation artistique, c’est également un travail autour de la dynamique de groupe, de la levée de blocages chez certains enfants.

L’activité de médiation est au cœur du projet des Concerts de Poche : emmener les plus grands artistes de classique et de jazz dans les zones rurales et les quartiers afin de « faire connaître l’émotion provoquée par l’écoute de cette musique », résume Gisèle Magnan, directrice artistique. A la clé, pouvoir établir des relations inter-générationnelles et inter-culturelles. Et ainsi « partir de nos musiques pour arriver aux leurs ».

La médiation, ce ne sont pas que des rencontres et ateliers, mais aussi des projets numériques , initiés par 16% des ensembles, qui permettent de démocratiser l’accès aux musiques savantes :

  • des web-series : comme celles proposées par Les Voix Animées, les Percussions Claviers de Lyon ou encore le Concert de l’Hostel Dieu
  • des MOOC (formations en ligne massives ouvertes à tous), comme le projet consacré à la musique baroque initié par l’Ensemble Correspondances, en partenariat avec le Musée du Louvre et le CCR d’Ambronay.
  • des applications numériques, comme « A la découverte de l’orchestre symphonique » proposé par l’Orchestre Divertimento ou encore le projet d’Opéra – Jeu vidéo initié par les Monts du Reuil autour de l’opéra Raoul Barbe-Bleue de Gréty.

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Opéra « Les deux chasseurs et la laitière » d’Emmanuel Clerc et Louis Anseaume, donné par la compagnie Les Monts du Reuil sur la scène de l’Opéra de Reims avec deux classes de primaires. (c) Ania Szczepanska

Davantage d’actions menées, mais des moyens limités

Le cahier « Médiation » de l’enquête FEVIS 2017 présente des chiffres-clés qui illustrent le volume de l’activité des ensembles sur ce sujet :

  • plus de 60.000 personnes touchées, lors de 4000 interventions

  • dont 51% de personnes « éloignées » (c’est-à-dire non familières du répertoire des ensembles de musique classique)

  • un nombre d’heures de médiation en hausse de +14% (par rapport à l’enquête précédente datant de 2015)
    Parmi les différents publics visés – amateurs, scolaires, grand public, publics « empêchés » :

  • le public scolaire est le plus représenté en nombre d’actions

  • le public amateur est le plus représenté en nombre d’heures

On observe cependant un décalage entre l’ampleur des actions menées et la faiblesse des moyens : bien que les actions de médiation fassent partie d’un cahier des charges global pour 85% des ensembles, seuls 55% d’entre eux disposent d’un financement fléché (dédié spécifiquement à ce type d’action).

Le financement fléché ne couvre que 36% du coût global des actions de médiation. Concernant ce financement, le premier contributeur est le mécénat (17% du coût total des actions), suivi par les collectivités territoriales (7%) et la DRAC (6%) au travers du Programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

La nécessité d’intégrer le numérique de manière plus large dans les aides au financement a été abordée. Evoquant une demande de financement ADAMI pour le projet d’application numérique des Monts du Reuil, Hélène Clerc-Murgier pointe des évolutions nécessaires : « on rentre dans presque toutes les cases, mais il faudrait qu’on produise un disque ».

Un sujet dont Régine Hatchondo (directrice générale de la création artistique) a pris la mesure. Lors de son intervention, elle a souligné « l’importance du numérique dans les outils pédagogiques ». Au sujet du fonds DICRéAM (géré et financé à 50/50 par le CNC et la DGCA), elle indique : « je pense que ce fonds devrait probablement passer à la vitesse supérieure en terme de projets soutenus, non seulement sur le plan financier mais aussi sur l’élargissement de son périmètre. »

« On reçoit autant qu’on donne »

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Atelier pédagogique organisé par l’Ensemble Contraste. (c) Ensemble Contraste.

Tous les intervenants présents lors de la table-ronde s’accordent pour dire que ces actions de médiations sont finalement plus réciproques qu’unilatérales : « on apprend autant qu’on apporte » témoigne Arnaud Thorette, qui souligne au passage l’importance d’impliquer les professeurs référents – anglais, français, sport…et bien sûr les professeurs de musique, qui sont « paradoxalement souvent les derniers venus ».

C’est parfois un chemin semé d’embûches : « Au départ, on tâtonne. Cela demande beaucoup d’énergie » indique Hélène Clerc-Murgier. Mais au final, c’est tellement satisfaisant de voir que « le regard des professeurs change sur les élèves ». Arnaud Thorette conclut : « On arrive avec un projet. Au final, on accueille ce qu’on a en face de nous. L’important, c’est le bonheur de vivre ce chemin ensemble. »

Des témoignages dont Sylvie Pébrier, inspectrice générale de la création artistique, fait la synthèse en retenant trois mots : réciprocité, émotion et parole. Cette réciprocité entre les artistes, les équipes éducatives, l’ensemble des partenaires : « A travailler ensemble, chacun s’enrichit. Il n’y a pas de séparation entre création et médiation. L’un se nourrit de l’autre, et l’autre se nourrit de l’un ». D’autant que la médiation permet « une entrée progressive dans l’émotion artistique » qui remet l’échange et la parole au cœur de la musique : « Finalement, l’enjeu de la musique est lié à la question de la langue. »

Une table-ronde qui témoigne pleinement de l’engagement citoyen porté haut par les ensembles de la FEVIS sur le sujet de la médiation. Pour en savoir plus, vous pouvez retrouver le cahier « Médiation et Numérique » de l’enquête FEVIS 2017.

Photo à la une : Atelier organisé par les Concerts de Poche autour du jazz, à l’école Maurice Véchin de Bar-sur-Aube (2 classes de CP/CE1), avec les artistes intervenants Louis Caratini et Marcel Ebbers. (c) Concerts de Poche